Bercé dès l’enfance dans l’univers du rallye, Tom Pellerey a su se faire un prénom pour connaître une ascension fulgurante en moins de trois ans. De ses débuts à ses titres de meilleur Junior du Clio Trophy France Terre et Champion de France des Rallyes Terre deux-roues motrices, le natif d’Orange copiloté par Hervé Faucher revient sur son parcours singulier. Entre victoires et défis passés, il évoque aussi son désir de franchir un nouveau cap l’an prochain.
Tom, vous n’êtes pas le premier Pellerey à vous illustrer dans ce sport…
Effectivement ! Mon père, Alain, a fait du rallye toute sa vie ou presque. C’était un animateur des formules de promotion de ses dix-huit à ses cinquante ans, donc je crois que l’on peut le qualifier d’amateur éclairé. Il faisait les choses au mieux malgré un gros manque de moyens et il a signé des performances honorables. Il compte treize départs au Rallye Monte-Carlo, où il a gagné sa catégorie et terminé premier pilote français à plusieurs reprises. Il a d’ailleurs fini sa carrière sur un problème mécanique au Monte-Carlo 2007. J’ai donc été bercé dans ce milieu et c’est en grandissant que j’ai compris que c’était plutôt atypique !
Malgré cela, vous vous lancez relativement tard…
Il y a plusieurs raisons à cela. Le budget en est une, mais je pratiquais l’enduro moto. Il m’était difficile de quitter une discipline où j’étais performant pour une autre où je n’avais aucune certitude. Je ne savais pas exactement à quoi m’attendre. Comme mon cousin Stéphane avait remporté l’opération Rallye Jeunes en 2006, je me suis dit que c’était la meilleure option et c’est rapidement devenu un objectif. En 2019, j’avais dominé une partie de la sélection, mais je n’ai pas réussi à gérer mon stress dans la dernière journée. J’ai travaillé avant de retenter ma chance, avec succès en 2021.
Comment se sont passés vos débuts en compétition ?
Grâce à Rallye Jeunes, je fais une saison en Rally4 en 2022. Après une courte préparation dans le contexte post-Covid, le Rallye du Touquet se déroulait bien jusqu’à ce que je sois piégé en essayant d’éviter une voiture sortie dans la dernière spéciale du premier jour. Cela a été le point de départ d’une période un peu compliquée malgré de beaux temps. La suite a été du même calibre, comme si la réussite me fuyait sur d’infimes détails aux grosses conséquences.
Vous vous imposez néanmoins au Vaucluse pour conclure l’année…
Je termine par cette victoire qui me fait vraiment du bien. J’étais parti sagement, mais j’ai réussi à me libérer et à me battre contre la Clio Rally4 officielle de Quentin Ribaud. Il aurait probablement gagné sans un souci, mais c’était une immense satisfaction de batailler avec la référence de l’époque en deux-roues motrices, et ce dès notre première saison. Si j’avais la conviction de savoir piloter jusqu’ici, il fallait confirmer. S’amuser est une chose, signer une performance en compétition en est une autre. La course, c’est quelque chose qui se vit.
Pourquoi avoir fait le choix de Clio Rally5 en 2023 ?
C’était d’abord pour le côté financier en tant que formule de promotion la plus abordable en France. Cette voiture, un peu vive, semblait aussi mieux correspondre à mon style de pilotage. Après deux ans à son volant, je peux dire que c’est une merveilleuse école. Je la recommande à tous les jeunes qui veulent se lancer. Cette année au Vaucluse, j’ai d’ailleurs eu un petit pincement au cœur en réalisant que c’était la dernière fois que je risquais de monter dedans.
Quid de la saison ?
Mon projet se finalise assez tard puisque je découvre la voiture de ma nouvelle équipe lors du shakedown du Touquet. J’étais le moins affûté du plateau, je n’avais pas beaucoup de départs à mon actif, je ne connaissais pas forcément bien l’épreuve… Et je suis un sudiste ! Malgré cela, je me bats pour la tête face à Arthur Pelamourgues. Je perds un peu de temps dans une chicane à mi-rallye, ce qui me relègue assez loin. Il n’y avait plus vraiment d’objectif sur la fin, mais nous signons quand même des chronos honorables, sans forcer. C’était de bon augure, mais je me fais surprendre dans la dernière spéciale, au même endroit que de nombreux pilotes. Cela a été le début d’une spirale dans laquelle je n’arrivais plus à reprendre confiance. La suite a été assez compliquée et nous n’avons pas réussi à confirmer.
Jusqu’à votre retour au Vaucluse…
Encore une fois, le Vaucluse nous permet de rebondir avec une nouvelle équipe, CHL Sport Auto. Nous étions en tête du deux-roues motrices jusqu’à ce que nous perdions la victoire en raison d’une crevaison. Malgré cela, le point positif était que nous nous battions aux avant-postes.
Est-ce la raison pour laquelle vous avez choisi la terre en 2024 ?
En 2023, j’étais allé sur l’asphalte pour sortir de ma zone de confort et rouler là où j’avais le plus besoin de travailler. En ayant fait du VTT et de l’enduro moto, je connaissais beaucoup la terre, moins l’asphalte, si ce n’est un peu de circuit. Cela aurait pu être plus simple de commencer sur la terre, mais je voulais vraiment mélanger les deux pour apprendre le plus rapidement possible.
Retrouvez-vous sur cette surface des sensations de votre carrière sur deux roues ?
Il y a une certaine notion de propreté en commun. Pour une moto comme pour une deux-roues motrices, il faut essayer d’être efficace dans les relances. C’est le secret pour être rapide. D’autres petites similitudes existent, comme la manière de se placer.
2024 est votre deuxième campagne avec Hervé Faucher à votre droite et la première complète avec CHL Sport Auto. Que vous ont-ils apporté ?
Avec Hervé, nous avons noué une relation allant au-delà d’un simple équipage. Nous travaillons ensemble depuis deux ans maintenant et nous sommes devenus amis. Nous sommes complémentaires, nous avons de plus en plus confiance et nous évoluons avec le temps. Je tiens d’ailleurs à le remercier pour tout son investissement. Cette année, il a obtenu ce qu’il mérite depuis toujours. En parallèle, j’ai pu faire mes propres réglages et essayer des choses. J’ai été écouté et guidé par les équipes de CHL Sport Auto pour arriver à une voiture qui me convenait totalement, et de plus en plus performante au fil de la saison. J’ai énormément de reconnaissance envers ce que je qualifie de vraie famille. Tout cela m’a aidé à me sentir au mieux et à signer ces résultats.
Avez-vous aussi gagné en maturité et en sagesse ?
C’était important dès le début de saison. Avec mon passé, je souhaitais commencer l’année sur une bonne note aux Causses. Le but était de réussir ce premier rendez-vous et de dérouler par la suite. Finalement, nous avons toujours été un peu en position de force au classement et nous n’avions qu’à gérer nos courses en laissant parfois attaquer ceux qui le voulaient. Je me suis également rendu compte que la réussite suivait dès que nous roulions dans un état d’esprit positif, en nous concentrant vraiment sur le plaisir. J’ai eu l’impression de pouvoir provoquer le destin.
Était-ce difficile de dissocier la catégorie Junior du général ?
Le Junior était notre objectif principal même si je ne voulais pas me priver de la victoire au scratch lorsque nous en étions capables, comme aux Causses. Certaines manches ont été un peu plus compliquées, comme à Aléria avec une crevaison et un problème de frein. Ce sont des moments durs, mais cela nous a aussi permis de nous prouver que nous arrivions à tirer le meilleur de chaque situation. Le rallye est plein d’imprévus et j’ai maintenant appris à les gérer du mieux possible pour optimiser chaque épreuve.
Avez-vous ressenti une déception en manquant le titre de justesse ?
Peu avant les Cardabelles, j’ai perdu un ami d’enfance, donc c’était éprouvant sur le plan humain. J’ai passé de mauvaises nuits, mais j’ai réussi à mettre l’émotion de côté dès le départ. Je n’y ai plus repensé jusqu’au moment où nous avons cassé un cardan. D’un point de vue sportif, Benjamin Boulenc avait déjà plusieurs départs à son actif sur cette épreuve et il était très affûté. Malgré cela, nous sommes devant lui tout en prenant du plaisir avant notre abandon. C’était un peu frustrant d’abandonner aussi tôt, car c’était le scénario parfait pour lui. Nous manquons le titre pour quatre petits points, mais nous n’avons pas à rougir et je crois que nous avons marqué les esprits en étant encore aux avant-postes. Hormis le Castine et la première étape du Lozère, toutes les épreuves du calendrier m’étaient inconnues. Cela a demandé une énorme préparation, mais c’était une belle surprise et une grosse satisfaction d’être compétitifs sur des rallyes que nous découvrions.
Un mois plus tard, vous remportez le Championnat de France des Rallyes Terre deux-roues motrices…
Nous pensions avoir perdu nos chances en abandonnant aux Cardabelles, mais il s’avère que le règlement prévoit un joker, ce que peu de gens savaient. Je l’ai d’ailleurs appris en recevant les félicitations de Ludovic Brajon la semaine après le rallye. Je n’ai pas compris sur le moment, j’étais persuadé que le titre était pour lui. Ce n’était pas vraiment un objectif, mais c’est une belle ligne sur un CV. Cela met en avant Clio Rally5, avec laquelle nous avons gagné en deux-roues motrices face à des Rally4 bien plus puissantes lors de la finale au Vaucluse. C’est aussi un juste remerciement pour tous nos partenaires et CHL Sport Auto.
Vous n’avez finalement qu’une expérience toute relative…
C’est un peu le problème d’avoir commencé tard. Certaines personnes associent mon âge à une certaine expérience, mais je suis l’un des moins affûtés en formules de promotion malgré mes vingt-sept ans. Je n’ai que trois saisons à mon actif, dont deux impactées par un gros manque de réussite, donc devenir pilote officiel en si peu de temps représente une très belle ascension.
Imaginiez-vous cela en participant pour la première fois à Rallye Jeunes ?
C’est compliqué de se voir remporter Rallye Jeunes tant cela semble inaccessible. Je savais que le plus compliqué serait de me sortir des petits slaloms. Ce n’était pas forcément mon point fort, mais j’avais plus confiance sur les circuits. C’est ce qu’il s’est passé. Je n’étais pas dans les meilleurs entre les plots, mais j’étais rapidement devant à Lédenon. J’avais plus de facilité à rouler à une certaine vitesse qu’entre les quilles, ce qui ne m’était pas naturel au début.
Quels sont vos points forts et ceux sur lesquels vous devez progresser au volant ?
Je dirais qu’il n’y a pas vraiment de temps mort dans mon pilotage. J’arrive à laisser de la vitesse et de la fluidité à la voiture. Je pense avoir assimilé les techniques de base et je les mets en application. Je me plais d’avoir un pilotage typé « école », et je suis capable de le faire pendant de nombreux kilomètres sans faire de fautes. Je peux parfois manquer d’attaque, mais je vais commettre très peu d’erreurs pénalisantes. Pour ce qu’il reste à améliorer, j’ai évolué sur la prise de notes, mais je crois que nous pouvons toujours travailler là-dessus. Il y a aussi l’asphalte, où j’ai encore de l’expérience à acquérir pour pouvoir me libérer dans le très rapide, dont je suis d’ailleurs très friand sur la terre.
Que retenez-vous comme moment fort de la saison en Clio Trophy France Terre ?
La première course de l’année aux Causses, avec notre première victoire en formule de promotion. C’est un rallye que nous avons vraiment bien géré. Nous étions en tête dès la première spéciale, pour un dixième seulement, mais c’était une bonne surprise. La saison était lancée et la bataille s’annonçait intense. C’était notre première collaboration en Clio Trophy France Terre avec CHL Sport Auto. Nous avions essayé des choses et nous ne savions pas trop où nous situer sur ce rallye qui m’était inconnu. Finalement, j’ai pu surmonter ma méconnaissance du terrain. L’autre moment fort était la finale aux Cardabelles. Avec les événements tragiques en amont, j’étais extrêmement content de ce que je faisais au volant jusqu’à l’abandon. Cela démontre à quel point j’ai gagné en mental et en force de caractère.
Dans l’attente de votre programme, que peut-on vous souhaiter pour l’avenir ?
Mon souhait serait de partir à l’international avec Clio Rally3. Je n’ai pas encore tous les tenants et aboutissants, mais nous travaillons en ce sens et j’essaie de trouver des solutions et des partenaires pour la découvrir au plus vite. J’y consacre beaucoup de temps en parallèle de mes activités à Lucena Rally Test, une base d’essais terre dans le Vaucluse, et d’autres partielles, comme moniteur de pilotage sur un circuit de glace en Laponie. Je ne suis pas issu d’un milieu fortuné, mais j’ai conscience d’être un privilégié. J’en suis arrivé là grâce au travail et à l’aide de nombreuses personnes en qui je suis immensément reconnaissant. Je crois en tout cas que mon style est adapté à Clio Rally3. Je me sens au summum de ma confiance après de grosses périodes de remise en question. Le plus compliqué était d’en sortir. Maintenant, j’ai toutes les cartes en main pour faire parler la poudre. Il ne faut pas griller les étapes, mais je vais saisir toutes les chances que l’on m’offre pour essayer de concrétiser et gravir les échelons.