Souvenirs, Souvenirs…

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Tous les ans, ça recommence. Dès la mi-décembre, l’excitation croît de jour en jour. Les essais marquent le début d’un moment magique. Le Monte-Carlo est de retour !

Cette année, la fête prend un sens différent, puisque c’est la première fois que les spectateurs sont interdits le long de l’épreuve. Cette année, l’excitation laisse place à la déception, et le constat est sans appel, elle grandit elle aussi un peu plus tous les jours. Cette année, pour essayer de retrouver cette sensation unique que procure cette période, il faut se replonger dans les souvenirs des éditions passées.

C’est celle de 2002 qui me vient à l’esprit. Avec mon père, nous avons prévu d’aller dans la toute première spéciale du rallye, Selonnet – Turriers. Le stress monte et c’est la 4ème fois que je vérifie mon sac, avec ce sentiment désagréable d’avoir oublié quelque chose. Mais il faut partir maintenant, car nous avons décidé de nous enfermer dans la spéciale, et 4 heures de route sont nécessaire pour arriver à destination.

Le voyage est agréable. Mon père me raconte les anecdotes de ses 3 participations au « Monté ». Je les connais toutes par cœur au point que parfois, il me semble les avoir vécues moi-même. Pourtant, je prends toujours autant de plaisir à les écouter. Nous arrivons dans la spéciale sur les coups de 19 heures, nous nous garons sur une petite route qui mène à un hameau, et nous constatons alors que nous ne sommes pas les premiers à avoir choisis ce spot.

Je sors de la voiture pour me dégourdir un peu les jambes. L’atmosphère particulière qui règne un peu partout autour de moi, décuple les émotions et l’émerveillement que je ressens depuis plusieurs semaines maintenant. L’odeur de la nuit froide se mêle à celle des feux de bois. Devant nous, il y a des norvégiens venus pour acclamer Petter Solberg. Eux aussi ont allumé un feu, mais c’est à l’Aquavit qu’ils se réchauffent. Ils ne verront rien du rallye. Plus haut, déjà installés au bord de la route, des italiens déchirent la nuit avec des fumigènes rouges et blanc et de forts éclats de rire.

Le froid me fait retourner à l’intérieur. Après avoir dégusté quelques cochonnailles importées de nos terres ardéchoises, je me glisse dans mon duvet et regarde une 63ème fois la liste des engagés. Elle n’a plus aucun secret pour moi. A l’extérieur, l’ambiance est toujours festive, et les bruits étouffés qui parviennent jusque dans l’habitacle me bercent et me font trouver le sommeil.

Une sensation désagréable me réveille en plein milieu de la nuit. Le froid ; encore lui ! Je démarre la voiture pour avoir du chauffage. Il fait -14, et avec la condensation, les vitres ont gelé de l’intérieur. Le temps que la température remonte, je vais faire un tour dehors. Tout est calme maintenant ; effroyablement calme. Pas une âme qui vive. La nuit est redevenue noire et le seul bruit que je perçois est celui du silence. Il est temps de retourner dans mon lit de fortune et de me rendormir.

A peine le temps de m’assoupir, que je dois lutter pendant des heures avec des paresthésies des membres inférieurs, je n’aurais jamais dû sortir de cette maudite voiture. Maintenant, ce sont des lumières vives et des bruits de moteur qui m’extirpent définitivement de ma tentative d’hibernation. Les ouvreurs sont en train de passer afin de déceler les pièges qui attendent les pilotes. Je décide alors de réveiller mon père. Il est temps de nous préparer et d’aller prendre place avant que trop de monde arrive. Lorsque nous sortons de la voiture, nous sommes interpellés par le vrombissement d’un groupe électrogène. Un « merguezier » a eu la bonne idée de s’installer à 50 mètres de là. Nous l’accueillons avec un certain soulagement, et nous nous empressons d’aller y boire le café, pour effacer cette nuit digne d’un stage de survie. Il est 6h00, et il fait -16 maintenant.

Petit à petit, le jour se lève et avec lui, le folklore et les feux qui s’étaient éteints dans la nuit renaissent de leurs cendres. Nous avons pris place à côté des italiens. Ambiance garantie ! C’est le moment du passage des véhicules officiels suivis des « zéros ». A cet instant précis, je suis envahi par une poussée de stress et d’adrénaline, et je n’arrive pas à imaginer ce que doit ressentir un amateur dans les minutes qui précèdent le départ de la première spéciale.

Il y a un monde fou et au moment où l’on entend la 206 WRC de Richard Burns arriver, cette pression que je ressentais s’évacue instantanément dans de grands gestes et cris d’encouragements pour le britannique. A voir les centaines de personnes autour de moi, agir de la même manière, je m’aperçois que je ne devais pas être le seul à être dans cet état. Le reste du rallye se passe à merveille et le spectacle est à la hauteur de nos attentes.

Ces dernières 24 heures m’ont semblé durer une éternité, et le lundi suivant, le retour au lycée est des plus compliqué. Je suis cafardeux, et c’est encore aux amateurs pour qui vont mes pensées. Reprendre une vie normale après avoir vécu une semaine aussi intense doit être difficile. Mais pour eux comme pour moi, ces souvenirs ne pourront pas s’effacer, ils vont se ranger dans un coin de notre mémoire, et l’empreinte y restera… pour toujours.

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