Arthur Pelamourgues : « Du chemin parcouru en quatre saisons »

Rallye-Infos
7 décembre 2024

Il a grandi dans une famille passionnée de rallye, mais son parcours jusqu’au sommet est loin d’avoir été une ligne droite. Entre débuts modestes, échecs marquants et victoires symboliques, Arthur Pelamourgues revient sur les étapes clés de son ascension jusqu’au titre en Clio Trophy France Asphalte. Découvrez le récit inspirant d’un champion déterminé.

Après votre père François, votre mère Laurence et votre sœur Marine, le rallye n’était-il qu’une question de temps pour vous ?

Je suis évidemment entré dans ce monde grâce à ma famille, mais elle ne m’a jamais plus incité que cela à en faire, par lucidité face à la complexité de ce sport. Je m’en suis éloigné pour différents motifs, dont les études. Je suis désormais freelance en mécanique, donc je suis très souvent dans des ateliers la semaine et sur des rallyes le week-end. À l’âge de vingt-et-un ans, un ami passionné m’a fait retomber dedans et m’a poussé à me lancer. Mon père avait arrêté depuis trois ans, mais il est venu m’aider dès qu’il a vu que j’avais acheté une voiture et que j’étais coincé dans le garage. Je l’ai donc fait replonger dans ce milieu !

Vos débuts étaient au volant d’une Renault Clio II 16 V. Y avait-il une raison particulière ?

Comme je montais moi-même la voiture, les coûts étaient en tête de liste de mon cahier des charges. Les premiers résultats étaient positifs, et nous avons manqué la victoire en Groupe N pour deux secondes au Rouergue. Nous avons ensuite pris une carte pour cibler les épreuves où il y avait le plus de N2S.

Très rapidement, vous vous lancez en Clio Trophy France Asphalte…

Je connaissais bien les formules de promotion en ayant baigné dans le rallye depuis tout petit, mais je n’avais pas une vision aussi grande du milieu et mon père m’y a poussé alors que je me voyais plutôt continuer mon apprentissage avec ma petite voiture. Ce sont deux écoles différentes. Les petites catégories sont parfaites pour le pilotage pur et la compréhension des rallyes avec les spéciales, mais aussi les liaisons, les pointages, les assistances, et tout ce qu’il y a autour. En parallèle, le Clio Trophy France Asphalte est génialissime pour le rythme et la compétition, le tout dans une bonne entente. Le niveau est complètement lunaire et je m’en rends compte chaque fois que je reviens en Coupe de France. Nous y sommes donc allés dès notre deuxième année, ce qui était peut-être trop tôt. Nous avons d’ailleurs arrêté notre campagne presque aussi vite puisque nos trois premières apparitions se sont soldées par une touchette au Touquet, une sortie à l’Antibes et un abandon moteur au Rouergue…

Malgré ces débuts difficiles, quelles étaient vos premières impressions avec Clio Rally5 ?

C’était un autre monde par rapport à la Clio II et je l’appréhendais un peu d’un point de vue financier. Au volant, Clio Rally5 permet de prendre confiance plutôt rapidement. Après avoir écourté notre saison en 2022, nous avons refait deux épreuves en N2S pour revoir les bases. Nous avons fait évoluer notre prise et notre système de notes, mais également toute notre organisation et notre préparation. En fin d’année, nous avons fait un rallye régional avec Clio Rally5 et c’est là que nous avons vu tout son potentiel en finissant quatrièmes au scratch parmi quatre-vingts voitures au départ ! C’est aussi à ce moment que j’ai trouvé mes premiers vrais partenaires pour être aux Cévennes. Nous sommes revenus en Clio Trophy France Asphalte sans la moindre pression, pour remettre le pied à l’étrier. Nous avons fait une course très sage, trop même, mais c’était l’objectif et nous avons signé notre premier top cinq.

Ce résultat a dû vous redonner espoir pour la suite…

C’est un peu étrange avec le recul, mais nous nous sommes toujours raccrochés à quelque chose pour continuer. Dans ma première saison en N2S, nous remportons à chaque fois notre classe et il y a un rallye national où nous faisons un sixième temps scratch sur une spéciale de vingt kilomètres dans des conditions nocturnes et difficiles. Nous sortons dans le test suivant, mais nous nous sommes dit qu’il y avait quand même un petit truc à essayer. Malgré l’échec de nos débuts en Clio Trophy France Asphalte, nous avions le partiel d’une bonne connaissance dans la longue spéciale du Rouergue où nous abandonnons. Nous revenions d’un gros accident et je roulais complètement libéré. Nous étions partis pour faire le scratch. C’est peut-être un détail maintenant, mais cela avait une importance énorme à l’époque et je pense que l’on aurait arrêté sans cela comme il n’y avait rien d’autre de concret. Nous passions des centaines d’heures à l’atelier… La passion est une chose, mais il faut bien la justifier à un moment donné et nous n’étions pas forcément sûrs de notre coup.

Commence alors la saison 2023…

Malgré de très mauvais souvenirs un an plus tôt, nous avons voulu faire le Touquet et nous avons bien fait d’y aller. Nous avons retenu les leçons du passé en l’abordant de manière complètement détachée et en ayant totalement changé notre façon de travailler. Je ne regardais pas les chronos au début, mais je recevais beaucoup de messages. Nous nous sommes rendu compte que nous étions en tête. La bataille était intense avec Patrick Magnou et Valentin Ascenzi. Nous avions trente secondes d’avance avant de sortir dans la dernière spéciale… C’était un véritable coup de massue, mais nous ne parlions plus d’un temps intermédiaire, mais d’une performance solide sur treize des quatorze spéciales d’une épreuve loin de chez nous et aux conditions atypiques.

Il s’agissait également de votre première collaboration avec Fun Meca Sport…

Exactement. C’est amusant, car Jérémy Brissiaud m’avait contacté sur Messenger après ce fameux sixième temps scratch avec la Clio II en 2021. J’avais reçu un message où il se présentait comme un « petit préparateur basé en Charente-Maritime ». Nous avions un peu échangé, sans suite. Je me suis toutefois renseigné et j’ai découvert qu’il s’était montré beaucoup trop humble ! Il a su me convaincre et il était persuadé que notre association nous serait mutuellement bénéfique. Nous avons appris à nous connaître, comme nous étions un peu sectaires. Mon père et l’un de mes meilleurs amis font mon assistance, sans oublier l’ancienne équipe de mon père qui nous suit toujours. Le temps a finalement fait son œuvre pour fluidifier le tout et il n’y avait aucun doute sur le fait de repartir ensemble en 2024. Et l’histoire continuera l’an prochain et je ne saurais assez les remercier pour tout.

N’étiez-vous pas frustré de jouer régulièrement devant sans vous imposer en 2023 ?

Un peu. Après notre sortie au Touquet, nous revenons pour l’Antibes où Patrick Magnou et Valentin Ascenzi sont intouchables jusqu’à leurs abandons. Nous nous retrouvons en lice pour la victoire et nous commençons à lever le pied. C’est bête, mais il était hors de question de reproduire notre erreur… Ensuite, le Rouergue était le rallye où j’ai le plus découvert mon potentiel. Valentin et moi nous sommes rapidement échappés en nous battant à coups de dixièmes de seconde avant notre crevaison. C’est d’ailleurs là que nous réalisons notre premier changement de roue en spéciale avec « Bastoo » (Bastien Pouget, son copilote ndlr). Une minute et deux secondes plus tard, nous étions repartis ! Nous sommes remontés à la deuxième place, à 11’’6 des vainqueurs. Au Mont-Blanc, nous jouons encore une fois aux avant-postes, mais Benjamin Stirling avait été impressionnant dans sa préparation et s’est montré intouchable pendant le rallye. Nous avons réussi à signer quelques scratchs et à surmonter un capot récalcitrant, mais sans plus. Enfin, nous étions en tête au Cœur de France avant une petite erreur. En fin de compte, nous aurions pu gagner quatre manches et nous n’avions que deux podiums et le Trophée Jean Ragnotti Power Stage à notre actif…

Le but en 2024 était-il donc de tout mettre bout à bout ?

Exactement. Avant cela, nous n’avions pas d’objectif clair, ce qui était d’ailleurs peut-être une erreur. Cette fois, nous y allions clairement pour gagner. Un peu à l’image de la saison d’avant, j’ai réfléchi sur pas mal de choses et nous avons adapté notre manière de rouler en conséquence.

La stabilité à votre droite vous a-t-elle aidé à conquérir le titre ?

Sans aucun doute ! Dans mon esprit, « Bastoo » a toujours été mon copilote même si les statistiques ne le montrent pas forcément en raison des problèmes de disponibilités. Il est comme une évidence. Je ne sais pas comment l’expliquer, mais nos bases sont tellement solides qu’il n’y a jamais de surprise dès que nous découvrons quelque chose ensemble. Nous ne nous sommes pas posé la moindre question pour notre première avec Clio Rally5 par exemple. Il y a comme une alchimie et, même sans s’en rendre compte sur le moment, c’était un énorme plus de l’avoir avec moi tout au long de la saison.

À quel moment vous êtes-vous dit que le titre ne pouvait pas vous échapper cette année ?

Il y a surtout plusieurs moments où je me suis dit qu’il allait finir par nous échapper ! Malgré la victoire au Touquet, nous sommes partis moins vite que nous ne le pensions. Ensuite, les Vosges étaient le rallye le plus frustrant. Nous étions déjà en mode gestion et c’était assez étrange. Je n’étais pas à mon niveau, je pilotais trop avec la tête. Paradoxalement, c’est là où nous avons fait le plus d’erreurs, dont une qui aurait pu être extrêmement coûteuse. J’ai commencé au Rouergue. À force de rouler en dedans, je n’étais plus sûr de pouvoir dérouler par la suite. Les circonstances ont fait qu’une crevaison nous a obligés à rouler sans réfléchir comme nous n’avions plus toutes les cartes en main et nous avons retrouvé notre niveau. Le titre me semblait très compliqué à sceller dès le Mont-Blanc. Malgré les calculs avec le décompte, nous n’étions pas du tout en position de force. C’était le rallye que je craignais le plus de l’année comme je n’y avais pas été très performant un an plus tôt. Nous avons redoublé de travail et je me suis rendu compte que nous avions retrouvé notre rythme à l’arrivée de la deuxième spéciale. Il fallait plier l’affaire… Et mission accomplie !

Nous vous avons souvent vu vous entraîner aux changements de roues, un aspect plutôt déterminant cette saison…

C’est sûr et certain ! Yoan Corberand et moi crevons dans la même spéciale au Rouergue, et nous finissons deux places devant lui. Le titre bascule pour un point seulement face à lui au Mont-Blanc. On peut toujours faire dire ce que l’on veut aux chiffres, mais cela a été décisif cette année, tout comme chez les équipes avec un scénario similaire aux Cévennes. Ce n’est pourtant pas un point sur lequel nous mettons particulièrement l’accent, mais nous nous entraînons régulièrement pour anticiper un maximum de situations. Et cet aspect s’est avéré très utile et de manière très visible par deux fois.

Quelles sont les raisons vous ayant poussé à vloguer votre saison ?

J’échange avec énormément de gens du rallye amateur et d’anciens pilotes et je me dis toujours que ce serait incroyable de pouvoir voir leurs anecdotes. J’ai donc tenté quelque chose au Touquet, plus à titre personnel, mais il y avait de quoi faire un vlog et tout est parti de là. Il n’y a pas eu énormément de vues, mais le rallye est un petit monde et j’ai vraiment eu beaucoup de retours. Nous avons continué et j’ai adoré cet exercice, car il faut essayer de montrer le plus de choses, y compris celles qui sont invisibles de l’extérieur. Mon père me dit de montrer davantage quand je travaille, mais personne ne regardera si l’on met des heures d’analyses de vidéos. C’est compliqué de trouver le juste milieu et de divertir sans trop passer pour des comiques, donc j’espère que c’est assez immersif sans être ennuyeux !

Était-ce une volonté particulière de vous essayer au Clio Trophy France Terre ?

Nous en avons parlé avec Fun Meca Sport en début d’année. Il n’a jamais été question de faire toute la saison, mais nous avons saisi les opportunités pour découvrir cette surface à moindre coût. Dès le premier rallye, j’ai compris que c’était une surface extrêmement complémentaire à l’asphalte et que nous en aurions potentiellement besoin à l’avenir. Je pense que nous avons atteint une bonne vitesse, mais il reste énormément de travail. Parfois, il suffit aussi d’emmagasiner les kilomètres pour que certaines choses deviennent des réflexes. Tout est une question de travail perpétuel : partir d’une base solide et d’une certaine méthodologie que l’on fait évoluer. La terre demande une approche différente et j’adore forcément cela.

C’est d’ailleurs sur la terre que vous avez commencé à découvrir Clio Rally 3. Quelles ont été vos premières impressions ?

Le Rallye Terre de Vaucluse a été l’un de ceux où j’ai le plus appris de ma carrière. Je découvrais le pilotage d’une quatre-roues motrices, qui plus est sur terre, où je ne comptais que deux départs. C’était une expérience extraordinaire, avec de beaux temps alors que nous commençons notre phase d’apprentissage. Puis il y a eu le Rallye d’Automne, où nous n’avions pas forcément la volonté d’appliquer le rythme infernal du Clio Trophy, mais la performance était rapidement au rendez-vous avec une voiture qui s’y prête autant et aussi facile à prendre en main. Nous bataillions pour la cinquième place avant la dernière boucle et nous nous sommes finalement battus pour le podium au scratch. Ce n’était toutefois pas une surprise de voir Clio Rally3 signer d’incroyables résultats et cela donne envie d’être en 2025 !

Quels sont vos points forts et ceux à travailler pour l’avenir ?

Difficile à dire, mais je pense que j’ai une certaine lucidité face aux résultats même si cela peut me porter préjudice comme j’ai parfois tendance à les dévaluer. J’ai également tendance à trop vouloir visualiser ce qu’il peut se passer alors qu’il est impossible de prédire l’avenir. Sur les points à travailler, j’aimerais qu’il n’y ait que le pilotage, mais le plus important est aussi d’essayer de créer un réseau de gens passionnés et intéressés par le projet que nous portons. C’est un travail assez complexe, tout en sachant qu’il faut rester performant au volant.

À vingt-quatre ans, vous êtes l’un des plus jeunes lauréats du trophée. Que peut-on vous souhaiter en attendant de découvrir votre programme officiel ?

Quand je vois l’âge de certains jeunes, je n’ai pas forcément l’impression d’être allé si vite que cela. Cela dit, mon premier départ ne remonte qu’à 2021 et nous avons parcouru du chemin en quatre saisons et une trentaine de rallyes seulement. Je me demande parfois comment cela se serait passé si j’avais été actif avant ma majorité ou si j’avais fait du karting, mais le fait de me lancer plus tard m’a peut-être rendu plus sage. Dans l’immédiat, nous essayons d’être au départ du Rallye Monte-Carlo 2025 à titre privé. Et ce que l’on peut me souhaiter ? De la performance ! Je crois en la performance, pas forcément à toutes les spéciales, mais le chrono est l’essence même du rallye. Tout le reste est accessoire !

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